Lettre ouverte au monde musulman
Cher monde musulman, je suis un de tes fils éloignés qui te regarde du dehors et de loin - de ce pays de France où tant de tes enfants vivent aujourd'hui. Je te regarde avec mes yeux sévères de philosophe nourri depuis son enfance par le taçawwuf (soufisme) et par la pensée occidentale. Je te regarde donc à partir de ma position de barzakh, d'isthme entre les deux mers de l'Orient et de l'Occident!Et qu'est-ce que je vois ? Qu'est-ce que je vois mieux que d'autres sans doute parce que justement je te regarde de loin, avec le recul de la distance ? Je te vois toi, dans un état de misère et de souffrance qui me rend infiniment triste, mais qui rend encore plus sévère mon jugement de philosophe ! Car je te vois en train d'enfanter un monstre qui prétend se nommer État islamique et auquel certains préfèrent donner un nom de démon : DAESH. Mais le pire est que je te vois te perdre - perdre ton temps et ton honneur - dans le refus de reconnaître que ce monstre est né de toi, de tes errances, de tes contradictions, de ton écartèlement interminable entre passé et présent, de ton incapacité trop durable à trouver ta place dans la civilisation humaine.
Que dis-tu en effet face à ce monstre ? Quel est ton unique discours ? Tu cries « Ce n'est pas moi ! », « Ce n'est pas l'islam ! ». Tu refuses que les crimes de ce monstre soient commis en ton nom (hashtag #NotInMyName). Tu t'indignes devant une telle monstruosité, tu t'insurges aussi que le monstre usurpe ton identité, et bien sûr tu as raison de le faire. Il est indispensable qu'à la face du monde tu proclames ainsi, haut et fort, que l'islam dénonce la barbarie. Mais c'est tout à fait insuffisant ! Car tu te réfugies dans le réflexe de l'autodéfense sans assumer aussi, et surtout, la responsabilité de l'autocritique. Tu te contentes de t'indigner, alors que ce moment historique aurait été une si formidable occasion de te remettre en question ! Et comme d'habitude, tu accuses au lieu de prendre ta propre responsabilité : « Arrêtez, vous les occidentaux, et vous tous les ennemis de l'islam de nous associer à ce monstre ! Le terrorisme, ce n'est pas l'islam, le vrai islam, le bon islam qui ne veut pas dire la guerre, mais la paix! »
J'entends ce cri de révolte qui monte en toi, ô mon cher monde musulman, et je le comprends. Oui tu as raison, comme chacune des autres grandes inspirations sacrées du monde l'islam a créé tout au long de son histoire de la Beauté, de la Justice, du Sens, du Bien, et il a puissamment éclairé l'être humain sur le chemin du mystère de l'existence... Je me bats ici en Occident, dans chacun de mes livres, pour que cette sagesse de l'islam et de toutes les religions ne soit pas oubliée ni méprisée ! Mais de ma position lointaine, je vois aussi autre chose - que tu ne sais pas voir ou que tu ne veux pas voir... Et cela m'inspire une question, LA grande question : pourquoi ce monstre t'a-t-il volé ton visage ? Pourquoi ce monstre ignoble a-t-il choisi ton visage et pas un autre ? Pourquoi a-t-il pris le masque de l'islam et pas un autre masque ? C'est qu'en réalité derrière cette image du monstre se cache un immense problème, que tu ne sembles pas prêt à regarder en face. Il le faut bien pourtant, il faut que tu en aies le courage.
Ce problème est celui des racines du mal. D'où viennent les crimes de ce soi-disant « État islamique » ? Je vais te le dire, mon ami. Et cela ne va pas te faire plaisir, mais c'est mon devoir de philosophe. Les racines de ce mal qui te vole aujourd'hui ton visage sont en toi-même, le monstre est sorti de ton propre ventre, le cancer est dans ton propre corps. Et de ton ventre malade, il sortira dans le futur autant de nouveaux monstres - pires encore que celui-ci - aussi longtemps que tu refuseras de regarder cette vérité en face, aussi longtemps que tu tarderas à l'admettre et à attaquer enfin cette racine du mal !
Même les intellectuels occidentaux, quand je leur dis cela, ont de la difficulté à le voir : pour la plupart, ils ont tellement oublié ce qu'est la puissance de la religion - en bien et en mal, sur la vie et sur la mort - qu'ils me disent « Non le problème du monde musulman n'est pas l'islam, pas la religion, mais la politique, l'histoire, l'économie, etc. ». Ils vivent dans des sociétés si sécularisées qu'ils ne se souviennent plus du tout que la religion peut être le cœur du réacteur d'une civilisation humaine ! Et que l'avenir de l'humanité passera demain non pas seulement par la résolution de la crise financière et économique, mais de façon bien plus essentielle par la résolution de la crise spirituelle sans précédent que traverse notre humanité toute entière ! Saurons-nous tous nous rassembler, à l'échelle de la planète, pour affronter ce défi fondamental ? La nature spirituelle de l'homme a horreur du vide, et si elle ne trouve rien de nouveau pour le remplir elle le fera demain avec des religions toujours plus inadaptées au présent - et qui comme l'islam actuellement se mettront alors à produire des monstres.
Je vois en toi, ô monde musulman, des forces immenses prêtes à se lever pour contribuer à cet effort mondial de trouver une vie spirituelle pour le XXIe siècle ! Il y a en toi en effet, malgré la gravité de ta maladie, malgré l'étendue des ombres d'obscurantisme qui veulent te recouvrir tout entier, une multitude extraordinaire de femmes et d'hommes qui sont prêts à réformer l'islam, à réinventer son génie au-delà de ses formes historiques et à participer ainsi au renouvellement complet du rapport que l'humanité entretenait jusque-là avec ses dieux ! C'est à tous ceux-là, musulmans et non musulmans qui rêvent ensemble de révolution spirituelle, que je me suis adressé dans mes livres ! Pour leur donner, avec mes mots de philosophe, confiance en ce qu'entrevoit leur espérance!
http://quebec.huffingtonpost.ca/abdennour-bidar/lettre-au-monde-musulman_b_5991640.html
Philosophe doté d’une véritable double culture, Abdennour Bidar propose dans cet entretien captivant une alternative musulmane intellectuelle à l’intégralisme, et au traditionalisme, en dévéloppant notamment la réflexion d’un humanisme musulman européen. Agrégé de philosophie, Abdennour Bidar est l’auteur de "Self islam" (Seuil, 2006). Un livre dont on ne saurait que trop encourager la lecture.
Oumma.com :
Lors de votre intervention sur France culture, on aurait tendance à
s’accorder avec Abdelwahab Medded (1) sur la singularité de votre Islam
que vous qualifiez à juste tire de Self Islam. Vous êtes de mère
auvergnate convertie à l’Islam (soufi), pouvez-vous nous parler
brièvement de votre difficulté de vous approprier le signifiant musulman
souvent stigmatisé comme élément identitaire de l’immigration
post-coloniale ?
Abdennour Bidar :
« Singularité » de mon islam, en effet, étrangeté de ma situation
personnelle, puisque cet islam me fut transmis par ma mère française
convertie à la fin des années soixante. Je suis donc « né musulman »
hors de tout contexte culturel islamique, au cœur de la France profonde,
à Clermont-Ferrand précisément. Nous vivions notre islam sur une sorte
d’ « île de piété », très isolés : sans soutien extérieur, ma mère nous
apprenait la lecture de la langue arabe, celle du Coran… Je me souviens
encore d’avoir appris toutes les petites sourates de la fin en faisant
la vaisselle avec elle !
Mais je voudrais dire tout de suite que cette situation,
tout en étant singulière, est pourtant très classique : tous les
musulmans de France, même si la plupart sont d’origine immigrée, se
trouvent aussi dans cette position d’entre-deux, entre deux cultures,
deux identités… Vous parlez de « signifiant musulman », et regrettez
qu’il soit assimilé à un simple « élément identitaire de l’immigration
post-coloniale », autrement dit qu’un certain nombre de Français
continuent de croire que les musulmans d’ici vivent encore comme
vivaient les peuples colonisés naguère, selon les coutumes et les mœurs
d’un bled du XIXème siècle ! L’image du musulman en France, dans la
conscience et l’inconscient collectifs, tarde à évoluer.
Certains continuent de se le représenter comme un
« étranger », au sens fort et péjoratif : un « barbare » radicalement
différent et avec lequel on ne peut communiquer qu’avec les plus grandes
difficultés ! Quel musulman, pourtant né ici, aussi français que
n’importe quel autre, ne s’est jamais vu demander « Et chez vous,
comment ça se passe… » comme si l’on s’adressait à un membre d’une tribu
primitive fraîchement sortie de l’Amazonie ! Il est tant que la France
comprenne que ses musulmans ne sont pas des « indigènes importés ». Que
l’identité musulmane est devenue multiple, comme toute identité
française d’ailleurs, pays de mélanges et d’immigration.
L’identité des musulmans de France est désormais
infiniment complexe, diversifiée. Nous sommes tous des « musulmans
atypiques », originaux, singuliers, différents les uns des autres parce
que chacun se rattache à la culture musulmane d’une façon qui lui est
propre : les uns par une piété exemplaire, les autres en gardant
simplement des principes de vie (comme le jeûne du Ramadan, le fait de
ne pas boire ni manger de porc), les autres encore en se disant
seulement « croyants » ou simplement « musulmans de cœur »…
De notre côté, acceptons toutes ces différences entre
nous, n’intériorisons plus l’image d’un islam unique d’un seul « vrai
islam », « bon islam », « vrai musulman », « bon musulman ». C’est ce
que j’appelle l’acceptation du Self islam, de la façon la plus
positive : un islam du self, islam du soi, islam du choix, islam
personnel, qui est la fidélité que chacun choisit de conserver à notre
héritage commun. Plus largement d’ailleurs, cette diversification de
l’islam et des musulmans n’est-elle pas toute l’histoire de notre
civilisation, qui a rencontré sur son chemin tant de cultures
différentes et qui s’est acclimatée sous tant de climats, de l’Indus à
Al Andalus ?
Il y a toujours eu, écrit l’historien Charles Bulliet,
un génie extraordinaire de l’islam à se régénérer par ses frontières,
c’est-à-dire à retrouver une dynamique permanente grâce à tous les
« musulmans des bords », qui sont obligés d’adapter leur islam à de
nouvelles conditions de vie, et de le confronter à d’autres visions du
monde.
C’est pourquoi je crois que nous musulmans occidentaux,
installés au cœur et à la pointe de la modernité, de ses formidables
acquis mais aussi de ses terribles échecs, nous pourrons être demain
l’avenir de l’islam, c’est-à-dire ceux qui réalisent en eux-mêmes, dans
leur vie, dans leur cœur, une conciliation, pacifique et harmonieuse,
entre l’Orient et l’Occident. Montrons que nous sommes en train de
passer au-delà de cette opposition, et que nous inventons un monde
nouveau qui n’est plus ni l’Orient ni l’Occident, mais le produit de
leur synthèse et de leur dépassement…
Oumma.com : Vous relatez la
difficulté d’être admis autant chez les jeunes français d’origine
maghrébine avec qui vous ne partagez pas la langue d’origine, et la
difficulté chez les non-musulmans d’accepter votre prénom Abdennour.
Cette expérience a-t-elle été décisive dans votre recherche
identitaire ?
Abdennour Bidar : Dans mon
livre, je parle de mon prénom, Abdennour. J’y tiens beaucoup, même s’il
n’a jamais été très facile à porter : personne autour de moi ne
comprenait que je puisse m’appeler Abdennour alors que j’ai un type
physique européen, et depuis mon enfance je ne compte plus les
situations de quiproquo, de perplexité et de rejet… Je raconte dans le
livre quelques unes de ces situations tragi-comiques où mon
interlocuteur se demandait à quel drôle de « zèbre » il avait affaire !
Tous ceux qui ont un prénom et un nom d’origine
étrangère, et qui ont en plus un type physique non européen doivent
parfaitement comprendre de quoi je parle, et quelle souffrance cela peut
être… Et la force que cela peut donner, en même temps. Je me suis
toujours nourri spirituellement de mon prénom, je l’ai médité
longuement, des heures durant, des années durant depuis ma plus tendre
enfance. Abdennour, « serviteur de la Lumière »… Quand je me concentre
sur moi-même, sur mon être intime, je vois un enfant prosterné dans la
lumière, une lumière qui l’environne et le traverse.
Puis cet enfant se relève, s’agenouille, et la lumière
alors entre dans son cœur, et vient s’y abriter. Grâce à cette
méditation profonde sur mon nom, une vision remonte aujourd’hui en moi
comme une source qui aurait enfin trouvé un point d’où elle peut
jaillir. Dans cette vision, je perçois mon cœur comme cette « niche »
dont parle le Coran : « Allah est la lumière des cieux et de la terre !
Sa lumière est comparable à une niche où se trouve une lampe, la lampe
est dans un verre ; le verre semblable à une étoile brillante.
Cette lampe est allumée à un arbre béni : l’olivier, qui
n’est ni d’Orient ni d’Occident et dont l’huile est près d’éclairer
sans que le feu la touche. Lumière sur Lumière… Nouroun ‘ala Nour… »
(XXIV, 35). Si je vous décris ce rapport intime à mon nom, dans des
termes qui paraîtront peut-être un peu trop mystiques à certains
lecteurs, c’est que je déplore que dans toutes les discussions sur
l’islam cette dimension purement spirituelle ne soit quasiment jamais
évoquée. Or pour moi l’islam est avant tout une vie spirituelle, une
expérience intérieure, une rencontre avec le mystère de l’existence. Il
n’y a pas que le bouddhisme qui soit une école de sagesse !
Or beaucoup de débats voudraient réduire l’islam à des
questions d’un autre ordre, géopolitiques, sociales, identitaires, etc.
Certains réclament ainsi de « désislamiser » le problème de l’islam !
D’autres encore voudraient le réduire à des questions de « forme » :
faut-il s’habiller comme ceci ou cela, etc. Or je crois que nous
musulmans avons tout à gagner à nous concentrer, à nous recentrer, sur
cette dimension spirituelle dans ce qu’elle a de plus profond.
Vis-à-vis de cette priorité, que l’une mette un voile,
que l’autre n’en mette pas, que l’un prie cinq fois par jour, et l’autre
non, que les uns soient conservateurs et les autres réformistes, est
secondaire ! J’aimerais que nous nous rassemblions tous, sans exclusion,
sans jugement, autour de cette méditation sur ce qu’il y a au plus
profond en nous-mêmes. Que l’islam apparaisse aux yeux du monde comme
une école de connaissance de soi et de l’homme, une éducation du regard
intérieur, une science du rapport à l’intime du coeur.
Oumma.com : Dans
votre livre, vous soulignez la sagesse de votre grand père athée,
communiste. Vous retenez de lui un amour indéfectible à l’humanisme. En
tant que musulman, que signifie la notion d’humanisme ?
Abdennour Bidar : L’islam,
comme les deux autres monothéismes, est un berceau de l’humanisme
européen. Celui-ci se définit en effet comme « discours exaltant la
grandeur et la dignité de l’homme ». Or le Coran recèle, de ce point de
vue, de véritables trésors, hélas peu explorés par la méditation des uns
et des autres. Il y a beaucoup à écrire sur ce point, en deux
directions : d’abord, pour montrer que l’islam forme avec le judaïsme et
le christianisme une seule et même « matrice » de l’humanisme européen –
le monothéisme entier est en son principe, comme le disait jadis Henri
Corbin, un « personnalisme », c’est-à-dire une vision du monde qui place
l’homme au centre ; ensuite, pour montrer que cet humanisme monothéiste
pourrait être une ressource formidable pour l’humanisme occidental, qui
est moribond.
Je prépare actuellement un ouvrage sur la question. Dans
le cadre restreint de cet entretien, je voudrais prendre un seul
exemple de l’humanisme coranique, dont l’analyse me paraît
particulièrement importante. Dans la sourate Al Baqara - ce sont les
versets 31 à 34 - Allah dit avoir « appris à Adam le nom de tous les
êtres » et demande ensuite aux anges de se prosterner devant Adam – ce
que tous font sauf Ibliss.
Deux significations symboliques majeures peuvent en être
tirées. D’abord, Adam est reconnu comme possédant ce qu’on peut appeler
« l’intelligence universelle », qui comprend la raison, la rationalité –
l’intelligence scientifique qui nous permet de connaître l’univers par
ses causes matérielles – et l’intellect, que les grecs appelaient le
noos, que les soufis appellent le ‘aql – qui nous permet de contempler
l’univers non plus par ses causes matérielles, mais par son principe
spirituel.
Ce principe étant en réalité ce que nous musulmans
appelons la Miséricorde, le souffle du Miséricordieux (Nafas-a-Rahman)
et que les chrétiens appellent l’Amour. C’est là que se situe,
premièrement, l’humanisme de l’islam : dans la description d’un être
humain capable de voir l’existence, l’univers, de façon aussi complète
et profonde. Et selon la suite du verset, de mériter à partir de là que
les anges se prosternent devant lui ! Ce qu’il faut entendre comme une
véritable révolution dans l’univers religieux : voilà en effet un texte,
le Coran, où Dieu lui-même demande aux anges de se prosterner non pas
devant lui, leur créateur, mais devant une créature, l’homme formé de
pauvre argile !
Peut-il y avoir manifestation d’humanisme plus
éloquente ? La grandeur de l’homme est ici couronnée par le geste de
Dieu. Il y aurait bien des réflexions à en tirer, et j’invite chacun à
méditer cela pour lui-même. Quel est le sens profond de cet ordre de
Dieu : « Prosternez-vous devant Adam » ? Que nous dit-il de l’homme ?
Cela fait partie à mes yeux des sagesses de l’islam qui n’ont pas encore
été comprises et exploitées, comme si le regard de Mohammed s’était
posé là en un point du temps qui se situe encore très loin devant nous…
Ou très proche, tant ce que nous vivons aujourd’hui semble nous
rapprocher de cette sagesse et de ses promesses.
Dans un contexte, qui plus est, où nous avons plus que
jamais besoin de régénérer l’humanisme en général : l’homme moderne,
post-moderne, ne sait plus quoi faire de lui-même, ne sait plus en quoi
consiste sa dignité, et ne sait plus donner de sens à sa vie. Or il y a
dans cette simple parole du Coran, dans cette simple indication –
« Prosternez-vous devant Adam » - un « sens de l’homme » dont la
civilisation humaine pourrait aujourd’hui tirer profit pour sortir de la
crise de l’humanisme. A condition de savoir en extraire le sens dont
nous avons besoin, et qui sommeille encore dans le secret du verset.
Oumma.com : Durant
votre adolescence, vous éprouvez la difficulté de choisir entre
l’Orient et l’Occident au sens où l’entend René Guénon. L’Orient
islamique spirituel auquel vous êtes attaché sous l’influence
incontestable du soufisme, et l’Occident où vous êtes admis à l’école
normale supérieure, temple « profane » de l’université française. Votre
Self Islam est-il une réponse intellectuelle à ce dilemme Orient/
Occident ?
Abdennour Bidar : Self
islam ne veut pas dire « islam à la carte », « islam en libre-service ».
C’est un islam de la responsabilité personnelle, fondé sur une seule
question : « Dans l’héritage de ma tradition, de quoi ai-je
personnellement besoin, ici et maintenant, pour continuer à me sentir
pleinement musulman ? » Je crois que seule une telle question – que
chaque individu de culture musulmane est appelé à se poser - peut ouvrir
la voie d’un islam compatible avec le principe de liberté individuelle,
de liberté de conscience.
Non pas : que disent les docteurs, les oulémas, les
imams, mes parents, mes oncles, mes sœurs, mes frères, etc. Leur avis
peut être écouté, mais en dernier ressort que me dit ma propre
conscience ? Que me dit mon propre cœur ? Comment vivre ma foi, ma
culture pour être en accord avec moi-même ? Pour être fier de mon
identité, en accord aussi bien avec elle et avec le monde, sans conflit
intérieur ni extérieur ? C’est par cette voie de l’interrogation
personnelle et de l’autonomie spirituelle que chacun peut échapper au
poids de la tradition, et en même temps conserver la maîtrise de sa vie,
ne pas se laisser emporter ni par l’oubli, l’indifférence, à sa culture
d’origine, ni à l’autre extrême par le repli sur des conceptions
« toutes faites » de l’islam.
Que chacun dise sereinement « je pratique le self
islam », ce qui veut dire : je n’agis pas de façon aveugle, je ne suis
soumis à personne, je fais mes propres choix, je n’ai pas abandonné ma
tradition, mais je ne suis ni son esclave, ni celui des coutumes
familiales, ni de l’imam du quartier, ni des prédicateurs du
Moyen-Orient qui voudraient me dicter ma conduite par parabole. Voilà à
mon sens comment l’islam peut entrer de la façon la plus intelligente
dans la société globale où la valeur principale est justement le libre
choix par chacun de son mode de vie, de ses mœurs – dans la limite du
respect d’autrui.
Le self islam n’est donc pas du tout un « nouvel
islam », mais une façon de vivre l’islam qui réalise l’accord entre deux
impératifs : l’impératif de fidélité à notre héritage, l’impératif
d’adhésion au principe de liberté de conscience. Avec le self islam, le
dilemme Orient-Occident tombe de lui-même, puisque d’une part l’islam
adopte le principe majeur de l’Occident – la liberté absolue du choix
personnel – et d’autre part ne se perd pas lui-même – puisque le
musulman continue de mener une vie spirituelle, et même la plus
consciente, la plus approfondie, la plus responsable qui soit. « Pas de
contrainte en religion », combien de fois faudra-t-il citer ce verset
pour nul ne soit plus tenté d’imposer aux autres musulmans un seul
islam, une seule façon d’être musulman ?
La liberté individuelle a toujours existé en islam,
certes. Mais aussi, reconnaissons-le, la pression du groupe, le jugement
des autres. Et aussi l’habitude de croire, profondément enracinée en
chacune de nos consciences, que le véritable islam est l’obéissance à
tout ce que le Coran et la Sunna nous ont transmis, et que les
théologiens-juristes ont développé au sein de chacune des grandes écoles
juridiques, puis que des générations d’oulémas et d’imams ont imposé,
relayés eux-mêmes par la fixation des coutumes.
Ne confondons plus la parole de Dieu avec ce que des
siècles d’interprétation humaine lui ont fait dire ! Ne rejetons pas
tout cela, mais posons-le sereinement devant nous : droit personnel
d’inventaire, devoir personnel de choix. Vis-à-vis du dogme, de la loi
(shari ‘a), et de tout ce que l’islam range selon cinq catégories
(l’obligatoire, le recommandé, le permis, le déconseillé, l’interdit),
que chacun exerce sa responsabilité personnelle, selon la parole
coranique « Allah n’impose à chacun que ce qu’il peut porter » (II,
286).
Liberté ne veut pas dire facilité. Liberté ne veut pas
dire suppression de la loi – mais intériorisation. Intériorisation du
rapport à la loi : c’est de l’intérieur de ma propre conscience
spirituelle que la voix d’Allah me parvient, c’est à partir de ma propre
liberté spirituelle que je réponds à la sollicitation d’Allah. Que
chacun détermine ainsi son propre rapport au dogme et à la loi, selon un
critère primordial : de quoi ai-je personnellement besoin pour me
sentir en paix ? Avec toutes les questions subsidiaires, et que notre
responsabilité, là encore, ne saurait éviter : si je suis en milieu
occidental, qu’est-ce qui est compatible avec l’extérieur ? Qu’est-ce
qui risque de provoquer l’incompréhension des non-musulmans ? Comment
éviter de déclencher l’hostilité ? Comment agir de la façon la plus
authentique et pacifique à la fois ?
Personnellement, avec les non-musulmans, je ne me
conduis jamais en partant du principe « voilà ma différence,
accepte-là », mais toujours en me demandant d’abord « que peut-il
comprendre et accepter de ma différence, et comment trouver le moyen de
faire malgré tout monde commun avec lui, comment trouver ou constituer
des valeurs, des principes partagés ? » Non pas imposer sa différence,
ni à l’autre extrême l’abandonner ou la dissimuler, mais se demander si
elle est tolérable pour l’autre.
Oumma.com :
Votre expérience du soufisme semble marquer par les désillusions de
votre initiation. Le schème Maîtres/ Disciples (2) a-t-il aliéné votre
liberté ?
Abdennour Bidar : Le
soufisme est une exceptionnelle tradition de sagesse, que j’ai
fréquentée assidûment pendant sept ans. Comme je le raconte dans le
livre, j’ai pu mener grâce à cette voie une vie mystique très
« active », et renouer aussi avec l’enseignement de ma mère, qui m’avait
déjà ouvert à la connaissance approfondie de certaines des doctrines
métaphysiques les plus profondes de l’islam, à travers la méditation de
ses plus grands saints et sages, Ibn Arabi, Rumi, Ibn Ata Allah, et plus
près de nous le sheikh Al Alawi ou le pakistanais Mohammed Iqbal.
J’ai reçu l’enseignement de ce que les soufis appellent
un maître vivant, qui vit au Maroc. Ce furent des années de formation
d’autant plus riches que je menais en parallèle des études elles aussi
très approfondies de philosophie européenne : je suis entré à l’Ecole
Normale Supérieure, j’ai eu une maîtrise à la Sorbonne, et enfin j’ai
passé l’agrégation de philosophie – discipline que j’enseigne
aujourd’hui. Je précise tout cela par rapport à votre question sur la
« désillusion » : en réalité, c’est des deux côtés que je l’ai subie.
Je me suis rendu compte en effet que les deux sagesses,
la sagesse spirituelle du soufisme et la sagesse rationnelle de la
philosophie, étaient en crise profonde… Pour des raisons différentes, et
à travers des symptômes différents, que j’analyse dans le livre. A tel
point qu’au bout de toutes ces années d’étude et de recherche, je me
suis retrouvé « les mains vides », dans un état de grand désarroi.
J’avais l’impression d’appartenir à deux cultures – occidentale et
musulmane – arrivées au bout de leurs possibilités, deux traditions
« essoufflées », épuisées. Deux cultures qui n’arrivent plus à nourrir
leurs héritiers.
La sagesse soufie me paraissait en effet desséchée, même
si elle produit encore quelques effets remarquables sur les cœurs et
les consciences. Comme dans d’autres parties de l’islam, je fis
l’expérience de l’obéissance aveugle, du conservatisme, de la référence à
un passé disparu qui devient un poison paralysant pour le présent. Et
du côté de la philosophie occidentale, je fis l’expérience tout aussi
décevante d’un athéisme borné, d’un rejet et d’une ignorance totale de
la dimension spirituelle de l’existence.
Même si, là aussi, quelques personnalités
exceptionnelles continuent de transmettre un enseignement profond. Mais
chez les plupart de ces philosophes, comme dans tout l’Occident
d’ailleurs le sens du sacré me semblait avoir totalement disparu… C’est
pourquoi d’ailleurs je suis un peu réservé vis-à-vis de l’expression
« islam des Lumières » : si c’est pour promouvoir un islam vidé de sa
dimension spirituelle, réduit à une simple « culture », je ne suis pas
d’accord ; en revanche, si cela désigne un islam qui serait à la fois
« spiritualité » et « culture », aucun problème.
Pour résumer donc : du côté soufi un sacré fossilisé, du
côté de la philosophie un sacré volatilisé. C’est pour cela qu’après
cette expérience de la voie soufie, j’ai eu le sentiment que je ne
pouvais plus compter que sur moi-même, et repartir de ce que j’avais
déjà pu trouver en moi, uniquement en moi, depuis mon enfance… une
sagesse personnelle. Je ne sais pas si je l’ai trouvée, ce n’est pas à
moi de le dire sans doute. Aujourd’hui, cependant, je me sens libre :
libre dans mon islam, libre dans ma vie, une liberté construite à partir
de la Shahada, que je me suis répétée sans arrêt pendant les années de
solitude et de retrait. « Il n’y a de réalité qu’Allah », voilà ce qui
me rend libre, parce que je n’ai rien à craindre du monde, ni des
autres : tout est un visage de l’Unique, toujours Présent, seul Présent
en la diversité des êtres.
Oumma.com : Vous développez l’idée
d’un Islam de liberté comme seul remède à l’Islam identitaire qui se
profile de nos jours sous le prisme exclusif de l’orthopraxie. A l’heure
où nous assistons à un désenchantement du monde, les manifestations
identitaires du religieux en Islam annonceraient-elles sa perte ?
Abdennour Bidar : La
« perte » de l’islam ? Certes, notre tradition souffre de lourdes
manifestations de repli, et de terribles accès de violence. A nous de
travailler pour qu’une autre façon d’être musulman triomphe. C’est
désormais la responsabilité partagée des intellectuels musulmans, mais
aussi de tous ceux qui vivent un islam modéré, ouvert. Je voudrais un
peu insister là-dessus, sur cette notion de responsabilité partagée.
Depuis que j’écris sur l’islam, que je publie des articles, des
tribunes, des livres, je me sens souvent bien isolé.
D’autant plus que souvent les médias me disent « vous
êtes une exception », « il est rare de trouver un musulman aussi
ouvert ». Or je crois que nous sommes très nombreux, en réalité, à vivre
de façon très simple et très évidente un autre islam que celui de
l’intégrisme et du traditionalisme. C’est le message que j’essaie de
faire passer, en insistant sur le fait que je ne suis pas « le gentil
musulman de service », mais qu’ici en Europe notamment, la plupart des
femmes et des hommes de culture musulmane n’en sont plus au stade de
l’intégration !
Depuis leur plus jeune âge, ils ont articulé leurs deux
identités, leurs deux cultures. Ils ont inventé une nouvelle façon de
vivre leur islam, parfaitement « soluble dans la démocratie »,
parfaitement compatible avec les droits de l’homme. Pourtant - c’est à
cela que je voulais en venir - cela ne suffit pas. Car à côté de ces
musulmans ouverts on trouve aussi beaucoup de foyers de conservatisme,
voire de régression, sous trois formes : un rapport archaïque entre les
hommes et les femmes, marqué par une domination masculine, subie et
intériorisée par les femmes elles-mêmes ; un rapport archaïque à la
sunna du Prophète, considérée comme un modèle toujours intégralement
applicable alors que le contexte de civilisation a totalement changé ;
un rapport archaïque aux autres visions du monde (autres religions et
athéisme) considérées comme inférieures.
C’est vis-à-vis de ce triple obscurantisme que je parle
d’une responsabilité partagée qui doit être l’affaire de tous les
musulmans ouverts : l’intellectuel que je suis ne peut pas – seul –
appeler à trouver de nouvelles façons de vivre notre culture, il doit
être relayé par des milliers de voix, des milliers de paroles, qui
doivent venir de l’ensemble de tous ceux qui, ayant déjà fait un certain
travail sur eux-mêmes, peuvent apporter aux autres leur expérience.
Il faut maintenant que ces milliers de voix s’élèvent
pour dire : nous ne voulons plus de la domination masculine, de la
domination des théologiens ou des prédicateurs déguisés en penseurs, des
discours de supériorité sur les « infidèles » ou les « mécréants », du
djihad et autres violences commises au nom de l’islam. Que des milliers
de voix s’élèvent pour dénoncer toute attitude agressive ou régressive
qui viendrait des musulmans eux-mêmes dans leur rapport aux autres.
Il nous faut ni plus ni moins qu’une nouvelle éducation
musulmane. Sinon ? Sinon l’Occident continuera de dire qu’à part
quelques uns de ses intellectuels idéalistes, l’islam est incorrigible,
impossible à moderniser, incapable de s’adapter à la civilisation
globale. Il est temps de montrer que très majoritairement les musulmans
d’Europe vivent au présent, et qu’ils travaillent activement à réduire
le conservatisme dans leurs rangs.
Oumma:com :
Vous avez réagi récemment dans les colonnes de Libération à l’article
tendancieux de Robert Redecker. Si la critique de l’Islam est légitime,
nous dénonçons d’ailleurs à Oumma.com depuis plusieurs années le droit
de critiquer l’Islam du point de vue de l’ignorance. Force cependant est
de constater que l’islamophobie traverse tous les pontes de la société
française. Quelle est votre réaction sur ce sujet sensible ?
Abdennour Bidar : J’ai
rédigé une Lettre ouverte à Robert Redeker, publiée par le quotidien
Libération, pour lui montrer qu’un musulman peut répondre sereinement à
n’importe quel type de mise en cause de sa foi et de sa culture.
Répondre par le discours, par des arguments et l’appel à la réflexion.
Sans violence, sans crier au blasphème, sans demander la censure ou des
excuses. Voilà pour le principe de ma lettre ouverte.
Ensuite, j’ai voulu plus précisément lui dire trois
choses. D’abord que je continuerai quoi qu’il arrive de m’adresser à
lui, parce qu’à mes yeux tout homme est digne qu’on dialogue avec lui,
et que je ne veux pas entrer dans la logique terroriste de ceux qui par
leurs menaces l’ont exclu du débat public. Deuxièmement, pour lui dire
mon profond désaccord et ma profonde tristesse à la lecture de son texte
sur l’islam.
Sa connaissance de notre tradition est manifestement
très mauvaise. Or la compétence est comme le disait Socrate l’une des
trois conditions nécessaires de la parole et du dialogue (avec la
bienveillance et la sincérité). Enfin, comme je le lui ai dit
publiquement, que je me suis senti personnellement très blessé par son
texte, parce qu’en disant que l’islam est une religion de violence et de
haine, c’est comme s’il niait mon existence, comme s’il m’interdisait
d’exister : en tant que philosophe et humaniste, en effet, l’islam que
je vis et dont je parle est pacifique, et même, en allant au fond des
choses, c’est un islam amoureux du monde, amoureux des autres.
Et au-delà maintenant de mon propre cas, je lui ai
demandé s’il avait regardé un peu autour de lui ? Avez-vous, M. Redeker,
pris la peine et le temps de rencontrer les musulmans qui vivent avec
vous tous les jours dans la société française ? Dialogué avec eux ? Les
avez-vous interrogé sur leurs valeurs ?
Si vous l’aviez fait, vous vous seriez rendu compte que
votre « fantasme » d’un islam violent et intolérant par nature est
absurde… Quant à l’islamophobie, je ne mésestime pas le problème, mais
je voudrais si vous le permettez insister encore sur notre
responsabilité de musulmans : travaillons à devenir exemplaires dans
notre capacité à vivre pacifiquement, en harmonie avec les autres,
manifestons sans relâche notre tolérance, notre ouverture, notre
attachement indéfectible et concret à la liberté, la tolérance,
l’égalité.
Si certains d’entre nous veulent revendiquer plus de
droits, plus de respect, plus de reconnaissance, qu’ils le fassent sans
agressivité, avec patience, modération, capacité de compromis, esprit de
conciliation, compréhension pour les réticences d’autrui. Il y a certes
des manifestations d’hostilité ou d’indifférence envers l’islam, et des
discriminations, des violences physiques ou morales, visant les
individus issus de l’immigration - dont chacun a subi, un jour ou
l’autre, une situation d’humiliation ou de rejet.
Mais répondre à l’hostilité par l’agressivité est la
pire des choses. Répondre à l’adversité par le repli sur soi n’est pas
plus fécond. Ce serait entrer dans un cercle vicieux, où ce repli et
cette agressivité renforcent l’hostilité, etc. La France est un pays où
les femmes et les hommes sont de bonne volonté. Ils sauront tôt ou tard
accorder aux musulmans la place qu’ils méritent.
Oumma.com : L’Islam que vous défendez n’est-il pas un islam de témoignage ?
Abdennour Bidar : Pour
moi, l’islam est La ilaha illa Llah, Muhammad rasulu Llah. On ne peut
rien associer à Allah, parce qu’il est la réalité une et universelle. Et
Mohammad symbolise l’homme, l’homme par excellence, dont la fonction
dans l’univers est d’être le regard porté sur cette présence d’Allah en
toutes choses. L’homme est l’être qui reconnaît l’unité dans toute
l’étendue du monde.
L’homme n’a qu’une chose à faire dans cette vie :
regarder et voir. Voir en permanence. Voir Allah en toute forme, tout
lieu, qu’il soit intérieur ou extérieur. Etre le Témoin d’Allah. Cette
vision intérieure est la chose la plus difficile que l’être humain
puisse accomplir, et demande des années de patience, de prière, de
méditation, une concentration permanente du cœur, en toutes
circonstances, quelles que soient par ailleurs les activités du corps et
de l’esprit. La religion n’est qu’un support de cette concentration :
prier, jeûner, respecter telle ou telle règle de vie, bien agir, etc.
Mais au-delà des paroles, des gestes et des actes, il y a
l’attitude du cœur. Sa consécration exclusive à l’amour divin, qui fait
aimer tous les êtres de l’univers comme autant de visages de l’Unique.
C’est cela pour moi la « foi » : une tension permanente vers l’Unique –
le chercher partout, en tout homme, en toute chose. La foi qui touche le
cœur, c’est le nom du premier rayon de la Lumière universelle, qui
vient effectivement toucher le cœur et le conduire vers la vision. Cela
m’a été enseigné depuis mon plus jeune âge. Mais je le savais déjà,
avant même qu’on me le dise.
L’enseignement de ma mère n’a été qu’une confirmation,
par la parole humaine, d’une vérité déjà inscrite au plus profond de
moi. Depuis que je suis enfant, j’ai fait beaucoup de choses, je suis
passé déjà par bien des aventures humaines, mais en réalité – au fond de
moi – je n’ai fait qu’une seule chose : je suis resté assis devant le
monde, et je le contemple sans relâche. Je m’émerveille dans la Lumière
d’Allah qui scintille en innombrables fragments. Je ne sais rien faire
d’autre en réalité, et rien d’autre n’a jamais su me distraire. Réussir
ma vie, la rater ? Etre obscur, ou reconnu ? Etre jugé de telle ou telle
façon ? Que m’importe, la Lumière d’Allah brille en toutes choses…
Propos recueillis par Chiheb Nasser
Notes :
(1) L’émission de Meddeb est sur les ondes de France culture le dimanche à 18H10.
(2) Sur les relations Maîtres/Disciples en Islam, voir les travaux d’Ahttp://oumma.com/Abdennour-Bidar-Il-nous-faut-ni
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