"Il faut défaire les discours des fanatiques musulmans en replongeant dans le Coran"
Journaliste
et réalisatrice.
Ceux qui tuent aujourd’hui au nom de
l’islam sont ignorants de leur propre passé, coupés de leur mémoire. C’est ce
que mon père ne cessait de démontrer, confondant les faux dévots et les imams
de pacotille qui s’autoproclament détenteurs d’un savoir religieux qu’ils n’ont
pas.
Hind Meddeb sur le plateau de TV5 Monde.
Je regrette que nos gouvernements ne fassent pas de
politique à long terme. Lorsque l’on parle des territoires perdus de
la République, il faudrait plutôt dire « les territoires abandonnés »
par l’Etat.
Tant que nous ne prendrons pas au sérieux la question
des discriminations et que nous ne rendrons pas visibles les parcours exemplaires
de ceux qui malgré ces discriminations ont réussi à mener à bien leurs projets,
il sera difficile de combattre le ressentiment qui est à l’origine de
l’embrigadement religieux.
Pour résister à l’intégrisme, certains intellectuels
arabes comme mon père l’écrivain Abdelwahab Meddeb ou le philosophe Mohammed
Arkoun et bien d’autres ont mené une critique de l’intérieur. Il suffit de les
relire. Les meilleurs arguments contre le discours de propagande de
Daech ou d’Al Qaïda se trouvent dans les textes saints auxquels ces derniers
font eux-mêmes référence. Le meilleur moyen de combattre ceux qui
détruisent et assassinent au nom de l’islam serait de replonger dans le Coran
et de confronter les nouveaux Tartuffes, « verset contre verset », le
remède au mal qui ronge l’islam contemporain doit venir de l’intérieur. C’est
précisément la démarche qui fut celle de mon père : dans ses écrits, il
convoquait l’immense héritage théologique, philosophique, architectural et
littéraire qui constitue la civilisation islamique pour défaire les discours
des fanatiques musulmans pleins de ressentiment et de haine qui conduisent au
meurtre et à la destruction de toute altérité au nom d’une pureté fantasmée.
Son immense connaissance de la civilisation, de l’histoire et de la culture
islamique lui permettait de démasquer la supercherie de l’idéologie jihadiste.
Faisons que le remède parvienne au plus grand nombre, parce qu’il n’est jamais
trop tard pour sauver ce qu’il reste à sauver.
"CEUX QUI TUENT AUJOURD’HUI AU NOM DE L’ISLAM
SONT IGNORANTS DE LEUR PROPRE PASSÉ, COUPÉS DE LEUR MÉMOIRE"
Ceux qui tuent aujourd’hui au nom de l’islam sont
ignorants de leur propre passé, coupés de leur mémoire. C’est ce que mon père
ne cessait de démontrer, confondant les faux dévots et les imams de pacotille
qui s’autoproclament détenteurs d’un savoir religieux qu’ils n’ont pas.
Toute sa vie, mon père, l’écrivain Abdelwahab Meddeb
nous a rappelé que pour contrer le succès de l’islamisme sur son sol, l’Europe
devait reconnaître son héritage arabo-musulman : « A l’origine de
l’Europe, il y a certes Athènes et Jérusalem, mais il y a aussi Rome,
Bagdad, Cordoue. Telle est notre réponse sereine à ceux qui diffusent la haine
par leurs appels belliqueux au nom de l’irréductibilité de l’histoire, des
récits, des motifs, des figures et des concepts. » écrivait-il dans
ses Contre-prêches publiés au Seuil.
Abdelwahab Meddeb combattait avec la même verve, ceux
qui ne reconnaissaient pas l’apport civilisationnel de l’islam en Occident et
ceux qui rejetaient l’héritage des Lumières au nom de la supériorité du dogme
religieux sur la raison. Pour contrer le succès de l’islamisme en
Europe, il faut que l’Europe reconnaisse son héritage arabo-musulman. Pour
qu’il y ait un islam de France, encore faudrait-il que la France reconnaisse
l’existence de la civilisation islamique et qu’elle accepte de faire ces ponts
historiques et littéraires. Mais la résistance de nos intellectuels est plus
forte que les dernières tentatives isolées de personnalités comme Benjamin
Stora.
Les attentats jihadistes ne devraient pas mobiliser la
une des médias occidentaux. Les résistances citoyennes à l’hégémonie
islamiste sont nombreuses, elles sont trop peu relayées.
J’interpelle nos intellectuels, nos politiques, nos
médias, je les invite à soutenir ceux qui partout dans l’espace islamique
luttaient contre toutes les formes d’obscurantisme, luttant pour plus de
liberté et de tolérance.
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