Lettre au maire de Cannes
par Abdelhadi
Cannes, le 25 Août 2016
J’amuse...
(NDLR : une référence pleine d'ironie au célèbre
"J'accuse" de Zola)
Monsieur
le maire,
Cela
ne pourrait pas atteindre le niveau littéraire d’Emile Zola, mais le tutoiement
qui va t’accompagner tout au long de cette lettre n’est pas une faute, j’ai
toujours réservé le vouvoiement aux gens que je respecte !
J’ai
assisté hier, sur l’une des plages de Cannes, à une scène déjà vécue dans les
livres d’histoire, une histoire douloureuse datant de la deuxième guerre
mondiale, où il y avait des endroits interdits aux Juifs et aux chiens.
L’histoire que tu viens d’écrire est plus douloureuse, car le policier, qui a
chassé une jeune femme portant le burkini, avait juste à côté de lui un chien
appartenant à une famille italienne (catholique, je crois), le chien ne croit
pas en Dieu je suppose, mais il était interdit lui aussi. Cela m’a traumatisé
car j’ai vu devant moi une affiche se dessiner (Interdit aux Musulmanes mais
pas aux chiennes), plus grave que celle des années trente, j’espère que tu es
d’accord.
Je ne
vais pas critiquer l’arrêté sur le fond, tout simplement parce qu’il n’y en a
pas, mais juste un bas-fond, une abîme sombre sortie directement du Moyen-âge.
Je
t’écris, non pour le plaisir de perdre mon temps, mais pour que tu m’expliques
deux choses, j’espère qu’il me reste ce droit d’information, en tant
qu’habitant de Cannes.
La
première : Je croise souvent des serviettes hygiéniques en mer, elles trouvent
facilement de l’espace pour sortir d’un maillot de bain et non pas d’un
burkini, il faut que tu m’expliques comment ce dernier est devenu, par ton
intelligence, l’ennemi de l’hygiène... Je voudrais un argument scientifique à
cette question, mon niveau intellectuel permet de comprendre le fonctionnement
des bactéries, des champignons et des virus, malgré le fait que je sois
Musulman !
La
deuxième : Une plage sous ton administration qui s’appelle La Batterie est
réservée et volée par les nudistes, je ne vais pas te parler de l’hygiène, car
même l’aveugle voit la chose sinon la sent. Mais plutôt de l’ordre public.
Cette plage n’est pas isolée, des riverains qui se soucient de
l’éducation de leurs enfants pourraient se manifester, ça créerait des
troubles… à l’ordre public. Et d’ailleurs, j’aimerais bien aller me baigner
là-bas, hélas, je n’ai pas le droit de connaître ce lieu, car ce droit
hors-la-loi ce sont eux qui l’ont validé par ta personne, verbalement. Tu as
même pris la peine d’aller leur coller une affiche Vigipirate… C’est vrai, ils
sont menacés par le burkini, ça me désole de me voir administré par un
hors-la-loi.
Enfin,
la question du chien sur la plage, je la poserai au policier municipal et je
n’exigerai pas de réponse, je sais qu’il n’en a pas ! Et puis tant pis, j’aime
les chiens, ou plutôt cette chienne-là, j’ai bien identifié son sexe, aussi
facilement qu’à La Batterie.
Je
compte sur ton intelligence afin de te rendre ton vouvoiement, cela dépend
vraiment des réponses que j’attends ; Les réponses politiques, ou plus
exactement politiciennes, les réponses psychologiques, religieuses et même
personnelles, entre autres, je les connais, mais je voudrais entendre les
tiennes, et je serais vraiment reconnaissant si tu t’éloignais de toute langue
de bois que je ne bois plus, ou d’une quelconque hypocrisie qui scellerait
définitivement le sort du tutoiement, je ne pourrais jamais te vouvoyer
hypocritement.
Lettre
écrite à la plage avec un crayon sur un papier,
J’espère
que les plages ne seront pas interdites à mes enfants dans trente ans… d’où l’intérêt de t’écrire.
Abdelhadi.
PS :
Un poisson rouge qui me fait rêver – Yes, I have a dream - m’a donné
rendez-vous à la plage de la Batterie, comment faire pour y accéder, Monsieur
le maire, car je veux l’embrasser ?
Pour
la réponse, voici mes coordonnées, tu n’es pas obligé de me tutoyer !
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